Pierre–Frank CRESPI : « les partenaires sociaux sont davantage en concertation qu’en opposition. »

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Pierre-Frank CRESPI est Secrétaire Général du Syndicat des Employés Gradés et Cadres de Banque de Monaco (SEGCBM) depuis 12 ans, avec une ancienneté de 23 ans dans le secteur bancaire monégasque. Aujourd’hui, banquier privé dans une succursale de banque française à Monaco, il connaît parfaitement le secteur d’activité, et les diverses problématiques qui concernent les activités financières à Monaco.

Le secteur bancaire est un important pourvoyeur d’emplois en Principauté

En 2015, on dénombrait  2658 employés de bancassurance, de diverses nationalités. Entre 5 et 10 % adhèrent au SEGCBM, ce qui est dans la moyenne des adhésions syndicales, à Monaco et en France. On note néanmoins, depuis quelque temps, une recrudescence d’adhésions étant donné le changement de modèle économique des banques et leurs modifications de structures.

Le Syndicat existe depuis longtemps ?

C’est l’un des plus anciens de Monaco. Il existe depuis 71 ans. Le 27 février 1945, les statuts du premier Syndicat des Banques de Monaco étaient acceptés et validés par le Ministre d'Etat de l'époque. La parution au journal officiel de Monaco du 1er mars 1945 qui s’ensuivit permit aux salariés des banques de Monaco de bénéficier des aides et conseils de femmes et d'hommes dédiés à la défense de leurs droits fondamentaux. Tous des bénévoles, contrairement à la France. Et cela est encore valable aujourd’hui.
Le Conseil du Bureau est renouvelé tous les ans. Certains membres de l’équipe siègent au Tribunal du travail, au Conseil Economique et Social, au Comité Financier des Caisses Sociales Monégasques et au Comité Directeur de l'Office de la Médecine du Travail. Nous avons un rôle d’écoute et de conseil, nous garantissons, si besoin, un appui juridique, par notre connaissance parfaite de la Convention Collective et l’aide précieuse de l’Union des Syndicats de Monaco (USM).

La Convention Collective Monégasque du personnel des banques est différente de la française ?

Oui. Elle est indépendante. Elle s’inspire de la française, mais elle est , aujourd’hui, complètement dé-corrélée. Deux visions bancaires coexistent sur la Place : la vision Banque Privée, qu’ont essentiellement les établissements étrangers, et la vision plus généraliste des succursales de banques françaises. Les deux mondes sont très divers, même s’ils ont tendance à se rapprocher. C’est une spécificité. Elle ne concerne pas, encore, les sociétés de gestion.

Comment s’organise le dialogue social?

Il est basé sur des commissions paritaires tout au long de l’année, pour s’occuper des litiges individuels. Nous organisons des réunions de travail pour travailler sur des sujets de fond, comme par exemple modifier, ou améliorer, la Convention Collective. Nous sommes aussi présents en Commissions de licenciement et de reclassement, pour les cas « bancaires », avec l’inspection du travail et l’Association monégasque des activités financières (AMAF).
Une fois par an, nous rencontrons les salariés dans une atmosphère plus décontractée : l’After banques que nous organisons.

Quelles sont les problématiques actuelles ?

La pression déontologique et de conformité est très forte. Elle entraine une modification du modèle économique des banques, d’où, parfois, la fermeture de certaines structures, le rachat de certaines autres. Du côté des salariés, l’effort demandé est plus important. Si on prend l’exemple des commerciaux, ils sont jugés sur les résultats, mais doivent aussi effectuer plus de contrôles. C’est difficile à vivre professionnellement et humainement. D’ici 2018, du fait des accords internationaux, on risquera encore une accélération des concentrations d’établissements.

Depuis un an, la régularisation des Contrats à Durée Déterminée pose des problèmes à tous : AMAF, Inspection du travail ou syndicats. Dans notre branche, l’objectif étant de normaliser les CDD et de limiter l’accès à l’intérim. La Convention Collective au niveau des CDD est trop restrictive, donc pas respectée, nous travaillons pour que le bon sens l’emporte.

Par ailleurs, le défi de la digitalisation est important : il y a une réelle volonté désormais de déplacer les clients vers la banque numérique. Cela peut renforcer l’intérêt vers les Sociétés de Gestion mais ce n’est pas une menace, au contraire : c’est la construction d’un travail en commun, et au final, les titres sont de toute façon déposés en banque. Par contre, cela induit la refonte, tôt au tard, de notre Convention Collective : elle est obsolète, comporte des métiers qui n’existent plus (mécanographe…) et ne stipule aucun métier de la banque 2.0. C’est inadapté mais je suis positif : les relations sont bonnes, les partenaires sociaux sont davantage en concertation qu’en opposition.