M. Hadelin de la Tour-du-Pin : « Monaco est une marque internationale de renom, mais encore bien davantage… »

2015-07 Hadelin-de-la-Tour-du-Pin

Ancien Secrétaire permanent pour le Pacifique et Ambassadeur représentant de la France auprès de la communauté du Pacifique, M. Hadelin de la Tour-du-Pin est un haut fonctionnaire d'expérience. Historien de formation, il choisit très vite les Affaires étrangères comme spécialisation. Il est désormais Ambassadeur de France à Monaco.

Monsieur l’Ambassadeur, vous avez présenté vos Lettres de Créances à S.A.S. Le Prince Albert le 15 octobre dernier.  Après 8 mois de présence en Principauté, quelles sont vos premières impressions ?

Je ne connaissais pas bien Monaco, même si j’en avais une image positive : le tourisme, les célébrités, la culture, les images des magazines… Les réalités monégasques sont souvent méconnues, et pas seulement en France !

Le Président François Hollande, lors de son déplacement officiel en Principauté en novembre 2013, a visité plusieurs industries, laboratoires de recherche, entreprises. La délégation française est repartie avec la conviction que la prospérité monégasque était un atout pour la France voisine. Il me semble important pour la Principauté de faire connaître tous ses atouts : « Monaco, c’est plus que Monaco ! »

C’est une « marque internationale » de renom, mais encore bien davantage. Ce petit pays est connu dans le monde entier pour  son rayonnement culturel et sportif, mais aussi pour son activité économique. La Place financière monégasque est  dynamique et s’est beaucoup modernisée. Monaco rayonne beaucoup plus loin que son environnement immédiat : auprès des pays frontaliers bien sûr - plus de 38 000 Français viennent y travailler tous les jours - mais aussi dans le monde entier.

Monaco est en outre un pays habile à jouer avec ses contraintes géographiques. La Principauté bénéficie, depuis l’accord de 1984 avec la France, d’une fenêtre maritime sur le grand large, mais  le territoire est très resserré. Le Gouvernement monégasque a su développer le pays en largeur, en hauteur, avec un système ingénieux d’ascenseurs et d’escaliers, qui m’a surpris. La gestion de la rareté de l’espace est fascinante, dans un univers cubiste et vertical.

Pouvez-vous nous préciser le rôle de l’Ambassade de France à Monaco ?

Il faut tout d’abord rappeler que si les relations entre la France et la Principauté datent d’au moins  sept siècles, l’Ambassade de France, elle, est de création récente : elle aura dix ans en janvier 2016. Auparavant, le Consulat Général de France à Monaco était davantage tourné vers la communauté française. C’est l’entrée de Monaco aux Nations Unies, puis au Conseil de l’Europe, jointe à l’évolution des traités bilatéraux, qui ont justifié l’ouverture d’ une Ambassade de plein exercice, le 1er janvier 2006.

L’Ambassade comprend deux cadres et 8 agents, sous l’autorité  de l’ambassadeur. Les relations entre les deux pays sont de plus en plus diversifiées et les échelons administratifs de proximité se révèlent de plus en plus utiles. Quelques 9 000 Français résident à Monaco. L’activité consulaire de l’Ambassade, à savoir l’état-civil, la délivrance des passeports et autres documents, les visas et le séjour des étrangers en Principauté demeure une mission importante.

Mais l’ambassade a surtout un rôle de représentation officielle de la République française. Elle représente le Gouvernement français auprès du Gouvernement monégasque, et suit l’ensemble des dossiers, notamment économiques, qui intéressent les deux pays.

Quels sont les dossiers sur lesquels vous travaillez plus particulièrement ?

Monaco, comme Andorre, San Marin et le Lichtenstein, dispose déjà de relations privilégiées avec l'Union Européenne, qui ont notamment débouché sur une participation au marché intérieur. L'amélioration de la coopération administrative en matière fiscale et la lutte contre la fraude apparaissent comme un complément indispensable à ces échanges poussés en matière économique. La France salue et encourage les décisions prises par Monaco en matière de « conformité » financière.

Par ailleurs, le Conseil de l’Union Européenne a souhaité, en décembre 2010, ouvrir « la négociation d’un ou plusieurs accords-cadres d’association » avec Andorre, Monaco et San Marin, en vue d’une plus forte intégration de ces trois Etats au sein du marché intérieur. La France suit bien sûr avec intérêt et bienveillance la négociation de ce ou ces accords. Les sujets abordés sont nombreux : normes phytosanitaires, transports, liberté d’établissement… et touchent plusieurs aspects importants de nos relations avec Monaco.

L’ambassade participe également à la relation transfrontalière, en liaison avec les élus locaux (mairies, Conseil Général…) et la préfecture des Alpes Maritimes. La commission transfrontalière franco-monégasque, créée en 2005, se tient chaque année alternativement à Nice ou à Monaco, et a pour vocation de traiter les multiples questions pratiques qui conditionnent les relations de bon voisinage entre la Principauté et ses proches voisins français (transport ; aménagement du territoire; environnement ; questions de santé et de droit du travail...). La dernière session a eu lieu le 6 février dernier au palais préfectoral de Nice.

La 8ème réunion de la Commission de Coopération franco-monégasque s’est tenue quant à elle au Ministère d’État le 21 avril dernier, sous la présidence conjointe de S.E.M. Michel Roger, Ministre d’État de la Principauté, et de l’Ambassadeur Christian Masset, Secrétaire général du Ministère des Affaires Étrangères et du Développement International. Nous y avons repris certains dossiers locaux, mais aussi traité d’autres sujets : visas, sécurité, nomination de hauts fonctionnaires, préparation de conférences internationales… Le Gouvernement monégasque a d‘ailleurs profité de cette session pour rappeler son plein soutien à l’objectif d’obtenir un accord global, ambitieux et contraignant pour faire face au défi du dérèglement climatique à l’occasion de la conférence Paris Climat 2015 qui se tiendra en fin d’année.

Vous voyez, les dossiers ne manquent pas !

Quelles sont les évolutions qui vous paraitraient souhaitables ?

Dans le domaine de l’administration consulaire, mettre en œuvre un « choc de simplification », lequel passe par une plus grande dématérialisation des documents, afin que ceux-ci arrivent plus commodément à leurs destinataires, que ce soit à Monaco ou dans les communes voisines, ainsi qu’à Paris.

Les échanges culturels se faisant depuis toujours tout naturellement entre la France et Monaco, avec un très haut niveau d’excellence, je souhaite plutôt me consacrer à la « diplomatie économique » afin de dynamiser les échanges France-Monaco - même si l’Union douanière entre les deux pays permet difficilement de mesurer leur ampleur.

Cette ampleur se manifeste déjà par la présence visible de grandes marques françaises en Principauté, dans le domaine du luxe, de la culture ou de la mode, ainsi que par l’ implantation et le développement de nombreux établissements financiers français à Monaco . Et, bien sûr, nous sommes attentifs à ce que les fonds qui sont déposés à Monaco puissent également  s’investir, au moins pour partie, en France, dans des entreprises, des hôtels, des immeubles, voire des vignobles.

Vous étiez auparavant Ambassadeur et Secrétaire Permanent pour le Pacifique ; le Prince Albert est un fervent défenseur de l’environnement et des océans. Vous retrouvez-vous dans cette cause ?

Je tiens à souligner que le Prince est l’un des très rares chefs d’Etat qui connaît très bien l’Océan Pacifique, et ce depuis 1981, pour l’avoir découvert à bord du navire-école de la marine nationale française, la « Jeanne d’Arc », durant 6 mois de navigation . Il est également proche de plusieurs chefs d’Etat de ces pays insulaires qui, en dépit de leur petite taille, couvrent des espaces maritimes gigantesques. Dans de tels pays, la problématique du milieu ambiant est omniprésente : l’augmentation de la température des eaux entraîne le dépérissement des récifs coralliens et l’érosion côtière menace toutes les infrastructures situées en bord de mer.

Inclure dans les conclusions de la prochaine Conférence  Paris-climat un volet « Océans » parait très pertinent. Le Prince Albert II est connu pour son engagement, il a une aura internationale, une vraie connaissance des enjeux et de réelles convictions. Nous sommes heureux et fiers de pouvoir compter sur son appui, car ses positions en matière d’économie durable sont très proches de celles défendues par la France et l’Union Européenne dans ces domaines.