23
septembre
2025
Expertises et Solutions

« L’IA n’est plus un outil, c’est une révolution copernicienne pour la finance »

Frédéric Genta, Head of Europe chez Azura Partners et Professeur à l’ESCP, partage sa vision d’une finance en pleine refondation sous l’effet de l’intelligence artificielle, avec Monaco comme laboratoire d’innovation.

Automatiser l’hier, inventer le demain

Comment définiriez-vous le rôle actuel de l’IA dans la finance ?

L’IA est en train de transformer la finance à une vitesse inédite. Jusqu’ici, la technologie servait surtout à automatiser des tâches répétitives – KYC, reporting, conformité. Demain, ce sera le socle même de la création de valeur.

Elle automatise l’hier : plus aucun analyste ne devrait passer des heures à vérifier la conformité d’un portefeuille. Mais surtout, elle invente le demain : grâce à l’IA, nous accédons à des signaux faibles impossibles à traiter pour un humain seul. Elle nous permet de sentir un momentum de marché avant les autres, d’anticiper une levée de fonds parce que des équipes bougent, ou de lire dans le bruit médiatique une tendance émergente.

Nous entrons dans l’ère d’une intelligence économique augmentée.

Le rôle de l’humain réinventé

L’IA va-t-elle remplacer les collaborateurs ?

Non, elle va les repositionner. Le collaborateur n’est plus un exécutant, mais un stratège. Il pilote, supervise et incarne la relation client. L’IA prend la charge mécanique ; l’humain se concentre sur le jugement, l’éthique, la confiance.

C’est un partenariat inédit : l’humain augmenté par la machine. Cela demande de revoir nos formations, nos organigrammes, mais aussi notre conception même de ce qu’est une équipe de finance moderne.

Banques, sociétés de gestion et nouveaux modèles

Quels sont les grands chantiers des institutions financières ?

Les banques et les sociétés de gestion doivent accepter une vérité : elles ne sont plus seulement des institutions financières, elles doivent devenir des entreprises technologiques.

On ne bâtirait plus une banque ou une société de gestion aujourd’hui comme on le faisait il y a 20 ou 30 ans : l’architecture doit être cloud-native, modulaire et digitale de bout en bout. Les processus doivent être fluides, rapides, sécurisés et, surtout, capables d’intégrer l’IA à chaque étape.

Le deuxième chantier est celui des partenariats. Les institutions qui réussiront seront celles qui sauront s’allier aux Big Tech, mais aussi aux start-up spécialisées, pour aller chercher agilité et innovation. Les grands groupes souffrent de leur héritage technique, mais les structures plus agiles – sociétés de gestion indépendantes, banques privées familiales – ont une carte à jouer : décider vite, investir intelligemment et se transformer en profondeur.

Monaco, un terrain d’avance

Quel rôle Monaco peut-il jouer dans cette transformation ?

Monaco a toujours été un territoire d’innovation, à la croisée de la finance et de la technologie. Avec sa taille humaine, sa capacité de décision rapide et sa concentration d’investisseurs internationaux, la Principauté peut devenir un terrain d’expérimentation unique.

Mais au-delà de sa gouvernance agile, Monaco dispose d’infrastructures technologiques de pointe : un Cloud Souverain garantissant la maîtrise et la sécurité des données, une couverture 5G intégrale permettant de déployer des services numériques de nouvelle génération, et un écosystème dynamique d’entreprises de services numériques capables d’accompagner banques, sociétés de gestion et clients dans cette transformation.

C’est cette combinaison – finance internationale, infrastructures technologiques souveraines et agilité institutionnelle – qui fait de Monaco un acteur stratégique dans la révolution de l’IA appliquée à la finance.

Régulation et IA : un levier, pas un frein

La régulation est-elle un obstacle à l’innovation IA ?

Au contraire. L’IA peut devenir le meilleur allié de la conformité. Agréger des milliers de sources, recouper en temps réel, alerter en quelques secondes : aucun humain seul n’a cette capacité.

L’IA n’est pas un risque face à la régulation, elle est une opportunité pour renforcer la robustesse du système financier.

Un changement d’époque

Faut-il voir l’IA comme une évolution ou comme une révolution ?

C’est une révolution copernicienne. La finance, comme le commerce avec Internet, ne sera plus jamais la même. Ceux qui s’adaptent deviendront les leaders de demain ; ceux qui hésitent seront relégués.

Nous ne parlons pas d’une amélioration incrémentale. Nous parlons d’une refondation. La finance entre dans une nouvelle ère : celle de l’humain augmenté, des institutions agiles, et d’une création de valeur pilotée par l’intelligence artificielle.

L’heure n’est plus à la prudence. Elle est à l’audace stratégique.

Dans la même catégorie