Les ICOs : un objet innovant non identifié pour les régulateurs européens ?

2018 09 11 icos

La technologie Blockchain soulève aujourd’hui un enthousiasme immodéré comparable à celui qu’avaient entraîné, en leurs temps, d’autres innovations tels le microprocesseur dans les années 70 et l’Internet dans les années 90.

Naturellement, la grande majorité des acteurs économiques et étatiques réfléchissent aujourd’hui aux apports de cette technologie tout en prenant acte des risques qu’elle véhicule.
Dans le cadre de ces réflexions, les « Initial Coin Offerings » ou ICOs occupent une place prépondérante.
Les ICOs constituent un moyen simple et rapide pour les entrepreneurs de lever des fonds, le plus souvent via une cryptomonnaie, en offrant, en contrepartie, des « jetons numériques » qui confèrent aux investisseurs des droits de typologie très variable.

Une des spécificités des ICOs réside donc dans le fait que les droits attachés aux jetons émis peuvent être de différentes natures, entrer dans diverses catégories juridiques et donc être appréhendés de multiples manières par le droit, les régulateurs et l’administration, notamment fiscale.
A ce stade, et bien que la régulation soit encore distancée par l’innovation, il est intéressant de faire un panorama des premiers mouvements engagés par quelques Etats européens, pour tenter d’appréhender les ICOs.

Certains ont peu réagi comme par exemple l’Italie, la Belgique ou la Croatie dont les régulateurs se sont bornés à mettre en garde sur les risques liés aux ICOs alors que d’autres, comme la Bulgarie, sont restés complétement muets.
En Autriche, le FMA a rendu public un « Fintech Navigator » qui fait état des diverses régulations susceptibles de s’appliquer dans le contexte d’une ICO.
Le Royaume-Uni a, quant à lui, choisi dans un premier temps de traiter les ICOs au cas par cas, tant sur le plan fiscal que sur le plan réglementaire.
La Suisse est apparue plutôt réactive en matière d’appréhension des ICOs. La FINMA a en effet été le premier régulateur européen à proposer une classification concrète des jetons numériques en trois catégories que sont (i) les jetons de paiement, (ii) les jetons d’investissement et (iii) les jetons d’utilité. Bien que cette classification manque de souplesse en ce qu’elle ne tient pas compte des jetons dits « hybrides », elle permet néanmoins d’appréhender plus facilement les droits attachés aux actifs digitaux.

La FINMA, comme d’ailleurs le BAFIN allemand qui semble avoir adopté la même nomenclature, considère par ailleurs que les seuls jetons d’investissement doivent être considérés comme des valeurs mobilières.
En France, l’AMF a lancé fin 2017 une consultation dont la synthèse a été publiée le 22 février 2018 et aux termes de laquelle elle prend acte du potentiel économique de ce mode de financement innovant et appelle de ses vœux une réglementation sur mesure, attractive et protectrice des investisseurs.
Enfin, le ministère des finances néerlandais a indiqué souhaiter légiférer dans l’objectif de créer des règles applicables aux ICOs qui soient comparables à celles applicables aux IPOs tout en laissant un espace de liberté technique favorisant leur développement.

A la lumière de ce bref panorama, il apparaît que la majorité des Etats européens ont pris la mesure de l’enjeu économique que représentent les ICOs. Dès lors, il revient à chaque pays de s’engager promptement sur la voie d’une réglementation qui rassure les émetteurs comme les investisseurs tout en décourageant les fraudeurs qui apparaissent de plus en plus nombreux à tirer parti du caractère « sauvage » de ces levées de fonds.  
Dans ce contexte, il apparaît souhaitable que Monaco se place aux avant-postes et relève conjointement les défis d’une réglementation audacieuse et d’une communication efficace. La proposition de loi n°237 relative à la blockchain constitue à ce titre un essai qu’il importe de transformer diligemment.