La gestion du risque doit devenir une source de performance

2024 02 26 Gestion du risque

Risque versus performance... On oppose souvent le risque d’un portefeuille ou d’un investissement à sa performance. Soit on a un risque faible et une performance faible ; soit on accepte un risque plus élevé pour espérer une performance supérieure. Le risque est donc, pour la plupart des gérants, une contrainte qui va limiter la performance des portefeuilles. Mais ce n’est pas forcément le cas.

L’importance de la gestion du risque

La gestion du risque est une composante essentielle de la gestion de portefeuille dont l’objectif est l’optimisation du couple rendement risque et la préservation du capital en termes réels (au-dessus de l’inflation). Pour gagner de l’argent il faut donc commencer par éviter d’en perdre. Pour récupérer une baisse de 50%, il faut progresser de 100% par exemple…
Beaucoup d’investisseurs et gérants parlent de la performance qu’ils ont obtenue (surtout quand elle est bonne) mais très peu communiquent sur le risque pris pour l’obtenir. De plus, on assiste à une grande volatilité des performances et du niveau de risque des portefeuilles profilés. Pour autant, ni le risque ni la performance des portefeuilles ne devraient autant dépendre de l’environnement de marché.
Mais on peut aller plus loin : la gestion du risque doit devenir une source de performance plutôt qu’un frein. Lorsqu’on investit, on ne maitrise pas la performance que l’on va obtenir, mais on peut contrôler le risque et ses biais comportementaux.

Limiter ses biais émotionnels

Selon Benjamin Graham : « le principal problème de l'investisseur et même son pire ennemi est probablement lui-même ». C’est absolument le cas. Il faut subséquemment limiter au maximum ses émotions dans la gestion de portefeuille, se concentrer sur l’objectif d’optimisation du couple rendement risque et chercher à maximiser sa performance sous contrainte d’un risque défini.
Nous devons sortir des sentiers battus, élargir notre univers d’investissement et n’avoir aucune autre contrainte que la gestion du risque, et être totalement pragmatique.

Développer des modèles quantitatifs

Les modèles quantitatifs réduisent indubitablement les biais émotionnels. Ils peuvent être utilisés pour l’analyse et la sélection de fonds, pour la construction de portefeuille et la combinaison de fonds (avec des optimisations sous contrainte) ou pour la détermination de l’exposition à un actif risqué.

Pour limiter les biais émotionnels, on peut, par exemple suivre des modèles de suivi de tendance (Trend Following) basés soit sur des indicateurs, soit sur la Negative Deviation (l’écart-type des performances négatives).
On distingue ainsi les phases de tendances positives et négatives. Si on n’investit uniquement quand la tendance est positive, on réduit le risque tout en augmentant la performance ; le couple rendement risque est vraiment amélioré.
Cette approche fonctionne particulièrement bien sur le crédit, et en particulier les obligations High Yield.

La simulation de la stratégie sur l’indice Bloomberg Pan-European High Yield in EUR (investissement dans cet indice uniquement quand la Negative Deviation est inférieure à 1%) fait ressortir une performance de 6.3% par an depuis 2000 avec un Max Drawdown de -2.5% et, une volatilité inférieure à 2%. Sur la même période l’indice Bloomberg Pan-European High Yield a délivré une performance de 5.6% par an mais avec un Max Drawdown de -40.1% et une volatilité de de 5.9%.
La aussi, on parvient à réduire de façon significative le risque mais aussi à augmenter la performance, donc à améliorer le couple rendement risque.

Bien entendu, ce modèle fonctionne encore mieux quand on ajoute l’Alpha des gérants en sélectionnant et en combinant de très bons fonds High Yield. La performance peut augmenter sensiblement tandis que le risque reste très faible.

Diversification qualitative et gestion alternative

La diversification est un bon moyen pour réduire le risque des portefeuilles, à condition que les sous-jacents soient faiblement corrélés y compris durant les phases de stress de marché. Or l’ensemble des classes d’actifs risquées sont assez corrélées en moyenne et leur corrélation augmente durant les phases de forte correction des actions. Depuis l’an dernier on a assisté à une recorrélation des actions et des obligations.
Pour réussir une bonne diversification qualitative et réussir à réduire le risque de son portefeuille sans réduire son espérance de rendement, il convient de privilégier les stratégies de performance absolue ; y compris la stratégie flexible sur le crédit présentée précédemment.
Par exemple, avec un portefeuille composé de 20 fonds avec une corrélation moyenne de 0.05, on peut éliminer plus de 2/3 du risque grâce à cette diversification qualitative. Bien entendu la performance de la sélection sera la performance pondérée des 20 stratégies.

La couverture pour réduire les incertitudes

Les produits dérivés sont en général considérés risqués, et ils peuvent l’être notamment en raison de leur effet de levier. Cependant, l’utilisation des dérivés à des fins de couverture peut être un bon moyen de gérer le risque des portefeuilles et de limiter ses baisses. A titre d’exemple pour couvrir son risque action, on peut acheter des Puts (options de vente) sur l’indice S&P 500 (marché leader, très liquide et un des plus chers) ou bien sur un autre indice.
Aujourd’hui ces primes d’assurances sont assez peu chères car la volatilité est faible et les taux d’intérêts relativement élevés.

Conclusion

Il est extrêmement difficile d’effectuer des prévisions sur la macro, sur la performance des actions et des autres classes d’actifs, sur le niveau des taux, des devises et des matières premières. La gestion « au feeling » a ses limites et la gestion profilée traditionnelle a montré ses faiblesses en 2022.
Il est préférable de se concentrer sur ce que l’on peut et que l’on doit maitriser : la gestion du risque à travers notamment des stratégies quantitatives éliminant les biais émotionnels. Cela peut s’avérer une très bonne source de performance, permet d’optimiser le couple rendement risque et d’avoir un niveau de risque et de performance relativement stable pour la sérénité de tous.