L’association Monégasque des Compliance Officers (AMCO) reçoit Darrell M. Blocker, Expert de la lutte anti-terroriste

2024 03 01 AMCO Blocker

An septembre dernier, l’AMCO a organisé une web conférence sur le financement du terrorisme, les risques particuliers encourus à Monaco, et le rôle des Compliance Officers dans la Lutte Contre le Blanchiment et le Financement du Terrorisme (LCB/FT). La conférence a été modérée par Nathalie Schinzig, Financial Crime Compliance spécialiste, Responsable du Comité TCSP/MFO chez AMCO et Head of Compliance chez Landmark Management S.A.M. évènement organisé dans leurs locaux.

L’invité de l’AMCO, M. Darrell M. Blocker est actuellement Vice-Président de MOSAIC Security, société de conseil en matière de sécurité, de renseignement et de gestion stratégique des risques et des crises aux États-Unis, collabore avec ABC News en tant qu’expert sur la Corée du Nord, l’Iran et le Terrorisme.

Après avoir atteint un grade équivalent à celui d’un général trois étoiles, Darrell M. Blocker prit sa retraite de la Central Intelligence Agency (CIA) en 2018 et rejoint la direction de MOSAIC Security en 2019. Pendant la transition Biden-Harris, il était l'un des principaux candidats du président Biden au poste de directeur de la CIA.

Darrell M. Blocker a servi 32 ans en tant qu’officier de renseignement pour six administrations présidentielles consécutives (de Reagan à Trump), dont quatre dans l’US Air Force et 28 à la CIA en tant que directeur adjoint du Centre de lutte contre le terrorisme et en recevant le prix George H.W. Bush pour l’excellence en matière de terrorisme. Sa carrière anti-terroriste a commencé en 1993 (à la suite de la première tentative ratée d’AlQaïda de faire tomber les tours jumelles en janvier 1993) et a été marquée par des déploiements en Somalie (incident post-Mogadiscio Blackhawk Down en octobre 1993), au Burundi (massacres post-Hutu-Tutsi) et au Pakistan (post-9/11).

Nathalie Schinzig a ouvert la conférence en rappelant des circonstances des attentats du 11 septembre 2001. Cet évènement sans précèdent a laissé place à un nouveau monde ou le terrorisme devenait un phénomène mondial, même si celui-ci existait préalablement. Cette terrible date a marqué la nécessité d'une lutte mondiale contre ce fléau.

Des échanges portèrent sur l’universalité du terrorisme et le caractère prioritaire de la lutte contre son financement. « Le financement est à la fois l'élément vital d'une organisation terroriste et l'une de ses plus importantes vulnérabilités ».

Les professionnels de la conformité ont dû incorporer dans leurs activités de nombreux contrôles visant un double objectif qui est la lutte contre le blanchiment des capitaux mais aussi pour lutter contre le financement de terrorisme car les techniques des terroristes sont similaires à celles employées par des blanchisseurs d'argent : (i) d’échapper à l'attention des autorités, (ii) d’utiliser des connexions et flux financiers obscures, et (iii) protéger l'identité des sponsors et des bénéficiaires des fonds.

En effet les liens entre blanchiment d’argent et financement du terrorisme sont très étroits, mais considéré comme des crimes distincts. Nathalie Schinzig a présenté les distinctions clés qui existent entre les deux :

  • Si le blanchiment permet de légitimer l’argent illégal, le financement du terrorisme a un besoin impérieux d’argent, illégal ou pas.
  • Le process de blanchiment est circulaire, le financement du terrorisme plutôt linéaire.
  • Le blanchiment place l’argent gris selon une chaine de transformation qui permet aux criminels d’utiliser cet argent de façon légale. Les terroristes ont pour objectifs de lever des fonds, mais d’une façon anonyme, sans que l’on sache à quoi ces fonds seront dédiés.
  • Le blanchiment s’opère par division « smurfing » (il est plus facile de blanchir beaucoup de petits montants), le financement du terrorisme procède en agrégeant de petites sommes.

Compte tenu de la nature urgente de la lutte contre le financement du terrorisme, il est essentiel que les Compliance Officers comprennent ces différences et identifient les signes de financement du terrorisme dans les activités suspectes.

Darrell M. Blocker a souligné qu'aujourd'hui les crimes sont devenus de plus en plus complexes car ils peuvent être interconnectés et mondiaux, et avoir lieu tant au niveau physique que virtuel. Les terroristes et ceux qui les financent se sont adaptés aux contre-mesures mises en œuvre par les pays et sont devenus plus créatifs, élargissant et variant leurs méthodes de collecte et de déplacement de fonds. C'est pourquoi la lutte contre le financement du terrorisme est aussi cruciale que la lutte contre le terroristes eux-mêmes.

Selon Darrell M. Blocker, les méthodes de financement du terrorisme les plus utilisées lors des grands attentats passés sont :

• L'activité légitime arrive en première position.
> La plus grande partie des fonds proviennes des entreprises ayant une activité légitime ou de dons des personnes riches.

• Charité.
> Les fondations caritatives sont attractives pour les terroristes et vulnérables à une utilisation abusive pour financer le terrorisme car elles bénéficient de la confiance du public, elles ont accès à des fonds et leurs activités sont souvent intensives en espèces. Ce type de fondation est plus susceptible d’être utilisé à mauvais escient, car elles sont généralement soumises à des exigences réglementaires plus légères que d’autres institutions ou entreprises financières. Certaines organisations caritatives ont une présence mondiale, offrant ainsi un cadre aux opérations et transactions financières nationales et internationales.

• Hawala
> C’est un système alternatif de transfert de fond fonctionnant sur la base de la confiance avec un transfert de valeur international en dehors du système bancaire. Depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, les systèmes informels de transfert de fonds suscitent un intérêt croissant. C'est notamment le cas de Hawala, que l'on soupçonne d'avoir joué un rôle dans le financement illégal d'activités terroristes, parallèlement à sa fonction traditionnelle de transfert de fonds entre individus ou familles de nationalités souvent différentes. Les gouvernements et les organisations internationales s’efforcent donc de mieux comprendre ce système, d’en évaluer l’impact sur l’économie et d’y répondre sur le plan réglementaire.

• Cryptomonnaies
> 23,8 milliards de dollars obtenu d’une manière illégale en cryptomonnaies ont transité sur la blockchain en 2022 pour être convertis, selon Chainalysis. Une augmentation de 68% par rapport à l'année précédente.

• Les renseignements terroristes
Les réseaux criminels, y compris les organisations terroristes, défient les lois et disposent d’un accès quasi illimité à leur argent illégal. Ils emploient également des analystes et des pirates informatiques pour chercher à exploiter les failles au sein des frontières de leur pays et dans le cadre de leurs partenariats commerciaux avec des criminels partageant les mêmes idées dans le monde entier.

Ce sont essentiellement des entreprises sans la gouvernance ou la surveillance à laquelle nous devons adhérer, alors, « ne sous-estimez jamais leur détermination ou leur intelligence, car ces écosystèmes évoluent pour garder une longueur d'avance sur nos systèmes juridiques ET financiers ET politiques.»

Darrell M. Blocker a mentionné que dans les services de renseignements il n'existe aucun document historique faisant référence à une activité terroriste liée à Monaco. Cependant, il faut également garder à l’esprit que le simple fait que le terrorisme ne semble pas être prédominant dans un pays ne signifie pas que ce pays n’est pas utilisé à des fins de financement. Étant donné que sans financement, les réseaux terroristes ne peuvent pas fonctionner, il est essentiel que les Compliance Officers agissent comme des gardiens du secteur financier en identifiant les flux de fonds terroristes et en signalant toute activité suspecte.

La Principauté de Monaco n'est pas plus menacée que d'autres pays en matière de terrorisme, mais compte tenu de sa situation géographique proche de la France, de la multiplicité des nationalités et du volume des transactions financières gérées à travers les établissements financiers basés en Principauté, il nécessite une attention constante.