M. Stéphane VALERI devant l’AMAF : « La solidarité n’est jamais acquise »

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M. Stéphane Valeri (Conseiller de Gouvernement pour les Affaires Sociales et la Santé) est intervenu jeudi 5 juin au Rendez-vous des Membres de l’AMAF (Association Monégasque des Activités Financières), invité par son Président M. Etienne Franzi. L’objet de son intervention : « Comment préserver l’avenir d’un pays de solidarité ».

En commençant son discours par cette phrase forte, « Nous sommes dans un pays socialement avancé, un pays de solidarité, mais rien n’est jamais acquis » M. Stéphane Valeri a voulu mettre en évidence la nécessité de constantes réformes pour le maintien du modèle monégasque. Certaines sont accomplies, d’autres à venir. Mais les conditions préalables à l’évolution sont « une économie prospère, des sociétés à qui on donne tous les moyens  pour se développer, en laissant notamment aux chefs d’entreprise de la souplesse dans leur gestion. Et aussi, bien sur, de grands projets ».

Les régimes sociaux, un an après la réforme des retraites

Le Conseiller a dressé un état des régimes sociaux, après une réforme qu’il qualifie d’inéluctable. Les seuils d’alerte consensuellement définis concernant l’ampleur du déficit  ont en effet été dépassés, et sans espoir de retournement. « Depuis plusieurs années, le déficit se creusait, et dans une trentaine d’année, nous aurions épuisé le Fonds de réserve. A titre d’exemple, et contrairement à ce que prétendaient certains opposants à la réforme qui affirmaient que le régime allait retrouver naturellement l’équilibre, il faut savoir que,  sur l’exercice 1° octobre 2012/ 30 Septembre 2013, le déficit aurait été de 19,4M d’euros et se serait encore creusé de 5M supplémentaires, comparé à l’exercice antérieur. Logiquement d’ailleurs, puisque la durée de perception des pensions est de plus en plus longue en raison de l’allongement de la durée de vie, ce qui, évidemment, dégrade le ratio nombre de cotisants / nombre de pensions versées. Il fallait donc absolument préserver notre régime de retraite par répartition, et cela par deux mesures majeures : l’augmentation modérée du taux de cotisation employés (+ 0,8%) et salariés (+ 0,4 %), et la création d’un taux de dissociation de 1,1%. »
En effet, le système de retraite par répartition monégasque fonctionne sur la base de la délivrance annuelle de points de retraite. Mais comme l’a précisé M. Valeri,  « les droits délivrés par le régime étant  en constante augmentation, creusaient inéluctablement son déficit. Le nombre de points annuels acquis par un actif bénéficiant d’un salaire moyen n’ a, de facto, jamais cessé d’augmenter » . Le conférencier en a détaillé le mécanisme : « Le salaire horaire moyen, a-t-il précisé,  évoluait sur une même période, plus rapidement (+1,1 point) que le salaire de base, celui qui permet de déterminer la valeur d’acquisition du point ». L’objectif poursuivi par ce que l’on appelle la dissociation, est bien de stopper la délivrance d’un nombre toujours plus élevé de points retraite, en stabilisant celui-ci, même si c’est à son plus haut niveau actuel, a expliqué M. Stéphane Valeri qui s’est  réjouit de la rapidité des résultats obtenus.
Le résultat est en effet positif : le déficit a décru de 19,4M à 2,2M. L’équilibre est presque atteint. C’était donc une réforme nécessaire, et qui porte ses fruits.
Certes, cette réforme a demandé a chacun de prendre ses responsabilités. Sur le plan comptable, si le surcroît de cotisation est effectivement limité 0,8% pour les entreprises - ce qui ferait rêver les  chefs d’entreprise d’autres pays-, rappelons que nous avons, simultanément, fait baisser de 0,3% les cotisations « maladie ».

Télétravail et Nouvel Hôpital

Deux projets d’envergure occupent également le Conseiller aux Affaires Sociales et à la Santé : l’instauration du Télétravail en Principauté, et le Nouvel Hôpital.

Tout d’abord, le Télétravail qui constituera une avancée majeure pour le développement futur de l’économie du pays.
Deux accords bilatéraux majeurs avec le Gouvernement français viennent d’être signés le 18 mars dernier concernant l’introduction du télétravail pour les entreprises et les salariés de la Principauté. Ils définissent ce qu’est le télétravail et en précisent ses modalités : Par dérogation aux règles européennes, les télétravailleurs qui  résident en France pourront être assujettis à la législation sociale monégasque, pendant toute la durée de leur activité en tant que télétravailleurs pour le compte d’une entreprise installée à Monaco. Très concrètement, nos entreprises auront à payer des charges patronales monégasques, et non françaises.

Ces accords fixent, en outre, les modalités du règlement financier relatif au partage de la charge des soins de santé des futurs pensionnés télétravailleurs et de leurs ayants-droit : ceux-ci deviendront à leur retraite, comme aujourd’hui pour les salariés, affiliés auprès de l’assurance-maladie française, mais leurs soins seront pris en charge, à hauteur de 50%, par les caisses monégasques, sous réserve d’une durée de télétravail, à Monaco, supérieure ou égale à 15 ans.
Le télétravailleur devra par ailleurs passer au mimimum un tiers de son temps à son bureau monégasque. Même si aucune limite géographique concernant le lieu d’habitation du télétravailleur n’est prévue, il est clair que cette dernière clause devrait favoriser l’application de l’accord essentiellement aux Alpes-Maritimes.
Les avantages ? Pour la France, c’est la création possible de milliers d’emplois. Pour Monaco, les avantages sont multiples. En premier lieu il y a l’allègement du trafic routier et la protection renforcée de l’environnement. Mais au-delà,  il s’agit de préparer l’avenir des entreprises, qui pourront se développer en limitant leur besoin en surfaces supplémentaires. « Pour elles, c’est une vraie réponse à l’exiguïté du territoire et aussi une perspective de  diminution des charges locatives » a expliqué M. Valeri, qui a détaillé aussi les avantages pour l’Etat monégasque : développement de nouvelles recettes de TVA, davantage d’ISB (Impôt Sur les Bénéfices) et nouvelles recettes pour les régimes sociaux. « De plus, les salariés gagneront du temps et feront des économies de transport. Ils bénéficieront, tout simplement, d’une meilleure qualité de vie » a conclu M. Valéri tout en précisant clairement « le contrat de télétravailleur ne sera jamais imposé, mais au libre choix du salarié». Le Conseil Economique et Social est actuellement consulté, et rendra son avis en juin. Le projet de loi sera alors déposé au Conseil national, pour un vote qui interviendra en fonction de son calendrier. En France, l’adoption de ces nouvelles dispositions nécessitera le vote d’un projet de loi de ratification par le Parlement.

Second projet majeur pour Monaco : le nouvel Hôpital.
Il y a 4 ans, le premier projet avait été jugé trop vaste, trop coûteux dans sa construction et très peu rationnel dans son futur fonctionnement. Néanmoins, un nouvel établissement était nécessaire. Citons, par exemple,  les structures pavillonnaires vieillissantes, les six blocs opératoires séparés, qui ne correspondent plus aux standards actuels pour la qualité de soins fournis aux patients, ni pour une saine gestion et donc la maîtrise des dépenses publiques. C’est ainsi que S.A.S. le Prince Souverain a tranché en choisissant ce nouveau projet.
A ceux qui considèrent le montant du chantier (environ 660 millions d’euros d’aujourd’hui) comme excessif, Stéphane Valéri répond que ce nouvel hôpital va nous permettre d’économiser une large partie des 30 millions que le nouveau système français de remboursement de la Sécurité Sociale (T2A) va nous coûter chaque année, et des 10 millions que coûte le « maintien à niveau » des installations actuelles. Cette même somme aurait donc été dépensée dans les prochaines décennies sans bénéficier de ce remarquable nouvel hôpital, adapté aux derniers progrès de la médecine, à la qualité du travail des équipes soignantes et au confort des patients. Rappelons qu’il ne proposera que des chambres individuelles.
Il s’agit bien-sûr d’un projet long et complexe, dû aux difficultés de reconstruction sur un même site, sans jamais interrompre les soins. En 2021, la première tranche permettra de disposer de l’essentiel des services d’hospitalisation. Les bénéfices en seront évidents : un seul bloc opératoire, une meilleure répartition des 400 lits  avec une diminution des lits de chirurgie conventionnelle et une augmentation des surfaces et des postes consacrés à la prise en charge ambulatoire et à l’hôpital de jour. La qualité d’hébergement sera renforcée, avec non seulement des chambres individuelles, mais aussi des chambres VIP dans tous les services. L’implantation, l’architecture et les aménagements concourront également à donner un maximum de vues sur la mer, renforçant le confort d’accueil des patients. Enfin, le projet prévoit la mise en service de plus de 650 places de parking dont 290 places dès 2017. Cet hôpital de grande qualité, qui répond parfaitement aux besoins de la communauté monégasque, accueillera également  la patientèle de Menton à Villefranche sur Mer.

Des projets d’envergure donc, que Stéphane Valeri s’est dit particulièrement heureux de porter au sein du Gouvernement Princier, avec sa collègue de l’Équipement, Mme Marie-Pierre  Gramaglia, pour ce qui concerne la construction du nouvel Hôpital : « Ces projets sont l’illustration de notre volonté de préserver l’avenir d’un pays de solidarités. Nous y parviendrons parce que nous les mettrons en œuvre dans les meilleures conditions. »