La lutte anti-blanchiment n’est pas l’ennemie des affaires

2021 12 10 phoenix

Après une carrière chez Deloitte Luxembourg, Sébastien Prat crée et dirige Deloitte à Monaco durant quatre ans. En 2018, il fonde la société Phoenix Consulting Monaco, un cabinet de Conseil en Management et Stratégie, et deux ans plus tard la société Equilateral.io, une RegTech filiale de Phoenix Consulting. L’objectif : accompagner les clients par des solutions numériques. Également Secrétaire Général au sein de l’Association des Compliance Officers de Monaco, (AMCO), il répond à nos questions sur l’Évaluation Nationale des Risques (ENR).

Vous avez récemment assisté le SICCFIN dans la réalisation de son ENR…

Tout à fait. Cet exercice a été l’occasion pour moi d’aider la Principauté à identifier ses menaces et ses vulnérabilités en matière de blanchiment de capitaux. La démarche a été très collaborative. Nous avons rencontré l’ensemble des professionnels concernés afin d’établir des questionnaires spécifiques à leurs activités. Cette méthode nous a permis, d’une part d’emporter l’adhésion avec un taux de participation de plus de 75%, et d’autre part d’identifier les forces et les faiblesses de chaque secteur d’activité.

Qui sont les professionnels concernés ?

Le périmètre s’est considérablement élargi ces dernières années. Parmi les professionnels les plus mâtures à ce sujet, on compte bien évidemment les banques, les sociétés de gestion, et les Trust or Company Services Providers (TCSP) car ils sont concernés depuis longtemps. Cela dit, le périmètre global comprend 25 secteurs d’activités dont notamment, les marchands de bien, les maisons de ventes aux enchères, les antiquaires, les experts-comptables, ou encore le casino.

Percevez-vous une inquiétude chez ces acteurs quant à la complexité des nouvelles règlementations ?

Elles sont surtout perçues comme génératrices de coûts additionnels.
La question serait plutôt : comment se mettre en conformité sans que ce ne soit trop pénalisant économiquement ? Je rappelle que 1 500 sociétés monégasques sont concernées et 80% d’entre elles comptent moins de 10 salariés. Il est clair qu’une petite entreprise de 2 personnes ne peut avoir le même dispositif qu’une banque de 200 personnes. Pourtant, la loi est la même pour tout le monde. Il ne faut surtout pas que la conformité devienne l’ennemie des affaires.

Quelle est la solution dans ce cas ?

Tout d’abord, il faut souligner que l’application de cette loi doit être proportionnée aux activités du professionnel assujetti et au niveau de risque (blanchiment, corruption, financement du terrorisme…) de la profession concernée.
En premier lieu, il convient de procéder à une évaluation du risque à l’échelle de l’entreprise sur les critères dictés par la loi en tenant compte de l’ENR. Ensuite vient la détermination et la mise en place du dispositif de contrôle et des procédures adaptées aux résultats de cette évaluation.

A quel moment intervenez-vous ?

Nous proposons à nos clients de les soulager de tout ou partie de leurs formalités et d’externaliser la mise en œuvre de leurs procédures, l’exécution de leur KYC, la rédaction de leurs déclarations de soupçon et de leur rapport annuel ou encore la formalisation annuelle de leur cartographie des risques. Nous proposons également des formations (obligatoires) en présentiel ou sous forme d’e-learning.

Le tout est accessible en un clic dans leur espace dédié sur la plateforme « Phoenix Compliance » développée par Equilateral.io.

Parlez-nous un peu de votre équipe…

Notre équipe est composée de profils divers et complémentaires. Notre approche des sujets est pragmatique, fonctionnelle et orientée « métier », d’où notre proximité avec les dirigeants des établissements financiers, et non financiers. Par ailleurs mon associée est certifiée CAMS, une certification qui qualifie les experts en lutte anti-blanchiment. C’est le mètre étalon en matière de certification, perçue à travers le monde comme le signe d’un engagement responsable pour la protection du système financier contre le blanchiment de capitaux par les institutions financières, les gouvernements et les régulateurs.

Quelles sont les prochaines échéances pour la Principauté ?

En parallèle de l’ENR, nous avons accompagné le SICCFIN dans la rédaction des Lignes Directrices, récemment publiées. Ce texte, très attendu par les professionnels assujettis, a pour vocation de clarifier les grands principes de la lutte contre le blanchiment à Monaco.

Vont suivre des Guides Pratiques spécifiques par profession en démarrant dès cette année avec les secteurs de l’immobilier, du sport et du yachting.

Enfin, comme vous le savez nous sommes en cours d’évaluation par Moneyval et une visite de leur part est prévue en début d’année 2022.

Par ailleurs, j’ai également l’honneur d’accompagner le Gouvernement dans la définition et la mise en œuvre de son Plan d’Actions en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, pour les mois à venir.