Opportunité d’un cadre juridique spécifique pour les Family Offices : renforcement ou assouplissement ?

2013-06-de-sareau

En préalable, et afin  de mieux cibler notre réponse, il convient de rappeler ce que recouvre la réalité opérationnelle des Family Offices.

Il s’agit de structures de gestion patrimoniale, dont les prestations couvrent les trois domaines suivants :

  • le secrétariat familial, souvent appelé « concierge services » par les anglo-saxons,
  • le suivi juridique, financier et administratif des éléments du patrimoine, et
  • la gestion financière.

L’activité alors déployée va du simple suivi ou mesure de performance, à une intervention plus active, comme la conception et le pilotage d’un « modèle d’allocation d’actifs » ou la sélection de véhicules d’investissement avec, dans tous les cas, l’exécution des décisions d’investissement par l’intermédiaire d’une banque dépositaire.

On voit bien ici qu’aucune des fonctions décrites ci-dessus ne pose problème d’un point de vue juridique, le Family Office n’étant que l’extension d’une activité de gestion patrimoniale « privée ».

Pourquoi, alors, poser la question de l’opportunité d’un encadrement juridique ?

Simplement du fait d’une évolution, parfois constatée, d’une activité pour compte propre vers une activité pour compte de tiers. En effet, lorsqu’une famille a mis en place avec succès une structure de ce type, il est fréquent que ses relations lui demandent de gérer leurs propres affaires. Ce type de démarche peut alors aboutir à la mise en place de structures de type « fonds d’investissement ».  S’agissant d’activités à caractère financier, on comprend donc la nécessité de contrôler cette éventualité.

Dans la plupart des cas, les différentes juridictions concernées n’ont pas élaboré de réglementation spécifique pour appréhender ces situations et laissent, de fait, s’appliquer les règles de droit commun sur l’appel public à l’épargne ou la gestion de fortune. Néanmoins, la relative incertitude juridique qui en résulte, ainsi que l’intérêt à favoriser le développement de structures de gestion patrimoniale, a conduit certains pays à préciser les règles applicables en la matière et, partant, la frontière entre la gestion « privée » d’un patrimoine, non soumise à restriction, et la gestion « commerciale ».

C’est le cas des Etats-Unis, qui font figure de « meilleure pratique » en la matière. Nous nous limiterons ici à en résumer les dispositions clés.

Dans ce pays, l’activité des Family Offices dans le domaine de la gestion financière peut être exonérée des contraintes propres à la SEC (« Security Exchange Commission ») à la double condition suivante :

  • la « famille » doit être le seul « client » du Family Office,
  • la structure juridique correspondante doit être exclusivement contrôlée par la « famille ».

La portée exacte de ces deux notions est bien sûr détaillée dans les textes (règles 202 (a) (11) 5 G-1 de la SEC), mais la philosophie est claire : si une activité d’« Investment Advisor » n’est pas développée, ces structures seront libres d’exercer leur activité. Cette tolérance est essentielle car, en l’absence de texte, elles auraient été soumises à des formalités très lourdes d’enregistrement, d’agrément et de contrôle, comme pour toute activité d’« Investment Advisor ».

Comment transposer cette démarche  à Monaco ?

Tout d’abord, il convient de souligner que, dans notre pays, la création de toute activité économique est soumise à contrôle préalable par la Direction de l’Expansion Economique. Ainsi, par définition, les pouvoirs publics sont en mesure de s’assurer que le projet qui leur est soumis ne comporte pas les risques évoqués plus haut. S’agissant de l’exclusivité de l’objet social de l’entité choisie, un modèle type est proposé par cette même Direction. Dès lors, l’encadrement de ce type d’activité est relativement aisé, et il suffit que, tout au long de son existence, il soit périodiquement vérifié que les activités déployées sont bien conformes à cet objet, comme cela se pratique par ailleurs pour d’autres activités.

En outre, toute activité de gestion pour compte de tiers, et de fonds, ainsi que les activités de conseil et de réception et transmission d’ordres sont rigoureusement encadrées par l’Article 1er de la loi 1.338 et, par conséquent, ne peuvent faire partie de l’offre "commerciale" d’un Family Office.

S’agissant de la propriété des entités en question, la situation est un peu plus délicate puisque, dans le cas de SAM, les éventuelles cessions d’actions ultérieures ne sont pas soumises à autorisation par les pouvoirs publics. Ainsi, si l’on voulait mettre en œuvre un cadre comparable à celui de la SEC, il pourrait être imaginé d’imposer aux fondateurs d’une SAM l’obligation de déclarer les modifications d’actionnariat. Bien sûr, ceci irait quelque peu à l’encontre du principe de liberté de cession des actions de SAM, mais il s’agirait là d’une pratique qui pourrait être mise en œuvre dans des délais rapides sans pour autant nécessiter une réforme législative.

Avant de conclure, on peut mentionner une dernière question, sur laquelle il pourrait être opportun d’adapter, ou de préciser, la doctrine administrative. Il s’agit de la fiscalité directe.

Dans la plupart des pays d’implantation de Family Offices, la démarche retenue est simple : dans la mesure où l’activité de ces structures est comparable, dans son équilibre économique, à celle d’un centre de coordination ou d’un quartier général, c’est à dire sans client « tiers », elle ne génère pas de revenus en propre.  En conséquence, une assiette fiscale forfaitaire, pouvant s’élever de 5 à 10 % du budget de fonctionnement, est proposée. Une approche similaire à Monaco, avec le taux actuellement en vigueur de l’ISB, conduirait à une charge fiscale parfaitement acceptable pour les familles intéressées.

En conclusion, nous voudrions souligner combien le cadre réglementaire et doctrinal actuel est bien adapté au développement de Family Offices en Principauté. Point n’est besoin d’élaborer de nouveaux textes de loi et les textes actuels, comme l’attitude des autorités, sont à même de répondre aux souhaits des grandes familles désireuses d’implanter à Monaco le siège de la gestion de leurs affaires patrimoniales.