“Aujourd’hui, un braquage de banque à Monaco serait particulièrement difficile”

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Le Directeur de la Sûreté Publique de Monaco assure que la Principauté est un pays très ouvert, et que seule une bonne prévention permet de maintenir sa place bancaire sécurisée. Entretien.

C’est un fait, le braquage des banques est devenu une pratique professionnelle, un métier. Selon vous, ici, à Monaco, les banques sont-elles suffisamment protégées ?
Nous n’avons fort heureusement pas de braquages d’établissements financiers à déplorer en Principauté. Mais pour que cette situation perdure, il est important que tous les acteurs concernés prennent en compte la question de la sécurité de leurs accès, en installant des dispositifs dissuasifs pour rendre très difficile toute attaque. Dans un esprit de conseil, avec l’accord de l’AMAF, nous avons pris l’initiative il y a 3 ans de faire un constat sécurité sur tous les établissements financiers monégasques. Pour certains, il n’y avait strictement rien à redire, tandis que pour d’autres notre diagnostic les a conduits à faire certains aménagements. Il était important pour nous que les responsables aient conscience que le haut niveau de sécurité existant en Principauté ne doit pas conduire à négliger les mesures de sécurité indispensables à ce type d’activité. Ainsi, il fallait faire une évaluation de la sécurité physique des agences bancaires destinée à empêcher les vols à main armée, ou à tout le moins à rendre le niveau de protection suffisamment dissuasif pour que ce type de projet ne soit pas envisagé par des malfaiteurs.
Ensuite, puisqu’il faut rester humble dans ce domaine, si une agression devait tout de même se produire, nous avons mis au point une conduite à tenir par les employés, qui ne doivent à aucun moment mettre leur vie en péril pour protéger un bien matériel. Nul ne sait comment il va réagir lorsqu’une arme est pointée sur lui.

Est-ce qu’une stratégie plus concertée entre banques, Sûreté Publique et entreprises privées de sécurité est mise en place à Monaco ?
Oui. Depuis 2007, l’AMAF, les sociétés de sécurité (notamment celles faisant du transport de fonds) et la Direction de la Sûreté Publique travaillent ensemble pour améliorer le dispositif. Ce travail en commun est parti du constat local, et non pas d’un quelconque fait divers.
Pour commencer, nous avons été de simples observateurs des banques, partant de l’idée que, même si nous sommes à Monaco, un pays disposant d’un très haut niveau de sécurité, et que tous les établissements bancaires sont reliés par alarme avec nous, le dispositif pouvait être amélioré. Nous avons donc observé l’ensemble de la chaîne, à savoir de la livraison des fonds jusqu’à l’entrée des clients dans l’agence.
Ainsi, le transport et la livraison de fonds ont été revus et sécurisés, les procédures de gestion d’alertes ont été revues… Aujourd’hui, on ne voit plus de convoyeurs de fonds sur la voie publique transportant des dizaines de milliers d’euros en transparence. Désormais, ils utilisent des valises sécurisées (valise à code et dispersion d’encre sur les billets).

Quelles mesures de sécurité physique préconisez-vous aux établissements financiers ?
L’expérience montre que la priorité est de contrôler l’accès aux locaux. Ainsi, un sas de sécurité performant est l’élément indispensable d’un premier niveau de sécurité. Il permet de filtrer les entrées et les sorties, et de par son fonctionnement, il oblige les employés au respect des procédures de filtrage mises en place par la direction.
C’est un élément extrêmement dissuasif pour les attaques violentes dans les établissements financiers. Quelle que soit la qualité du niveau de la clientèle, il appartient au banquier de gérer certaines relations personnalisées de la façon dont il veut bien les gérer, mais l’accès pour le public à une caisse doit comporter des passages obligés sous surveillance pointue.
Un autre élément à sécuriser est l’accès à la caisse, objet, le cas échéant, de la convoitise. Des protections physiques doivent être mises en place, de même que le montant présent dans la caisse doit être modeste pour rendre le rapport entre le risque pris pour une attaque et le butin espéré inintéressant.
Dans la procédure mise en place avec les professionnels, nous avons également organisé la levée de doute en cas de déclenchement d’alarme. Nous en dénombrons environ 900 par an. Ce chiffre est en baisse sensible grâce au travail de l’AMAF et des responsables de la place bancaire. Fort heureusement, jusqu’à maintenant, ils sont tous d’origine accidentelle. Cependant, nous les traitons comme s’il s’agissait d’une alarme réelle, ignorant a priori la situation. Ainsi, il y a par exemple prise de contact avec une personne préalablement désignée par le banquier pour éviter qu’une personne prise en otage à l’intérieur de l’établissement n’envoie n’importe qui nous dire que tout va bien. Après, nous procédons à une visite de sécurité.

Les actes de braquage sont-ils fréquents en Principauté ?
Fort heureusement non. Jusqu’à aujourd’hui, ils sont même inexistants pour les établissements financiers. Mais il faut avoir conscience que nous sommes dans un pays très ouvert, et que seule une bonne prévention permettra de maintenir la situation actuelle.
Pour nous, la première étape était de sécuriser nos transporteurs de fonds, c’est fait. Attaquer un fourgon est difficile et très risqué à Monaco. Il en va de même pour les attaques contre les distributeurs automatiques de billets, qui constituent actuellement la cible privilégiée des malfaiteurs. Aujourd’hui, un braquage de banque dans notre pays serait particulièrement difficile à réaliser, pour peu que les mesures basiques que j’ai énoncées plus haut soient prises. Néanmoins, il faut toujours rester vigilant et ne rien exclure a priori. Nous travaillons pour mettre en place des obstacles à franchir, qui sont complémentaires à la surveillance générale de tout le territoire, pour rendre les éventuelles agressions très difficiles à réaliser. Nous avons vraiment développé des liens très étroits entre la Sécurité Publique et les établissements financiers, ce qui fait de Monaco une place extrêmement préservée. Je conclurai en disant que nous sommes tous, dans le cadre de nos activités respectives, co-responsables de la sécurité du pays, dont chacun sait que c’est un élément important pour son attractivité.