Alors que les défis climatiques et écologiques sont toujours aussi présents, certains partenariats locaux réconcilient le monde de la finance avec celui de la recherche scientifique. À Monaco, l’initiative conjointe de BNP Paribas et du Centre Scientifique de Monaco (CSM), autour d’un produit structuré à composante ESG, constitue un exemple concret d’investissement durable, ayant des retombées mesurables pour la planète. Pour en savoir plus, nous avons rencontré Cédric Serret et Fabio Vitale référents ESG pour BNP Paribas Monaco, le docteur Sylvie Tambutté, et Delphine Frappier, respectivement directrice scientifique et directrice administrative et financière/secrétaire générale du CSM.
Comment est née l’idée de ce produit structuré lié à la biodiversité ?
Cédric Serret : BNP Paribas est depuis longtemps engagé dans la finance durable à l’échelle du groupe. À Monaco, nous avons voulu aller plus loin en créant un produit spécifiquement lié à la protection de la biodiversité. Il s’agit d’un produit structuré commercialisé localement auprès de notre clientèle, dont une partie des frais de structuration est reversée au CSM pour financer un projet de recherche scientifique sur la préservation des manchots en Antarctique. C’est à la fois un outil d’investissement performant et un levier de sensibilisation intégré dans le reporting extra financier communiqué à notre clientèle.
Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est un produit structuré, et en quoi celui-ci est singulier ?
Cédric Serret : Un produit structuré est un actif financier basé sur un indice, appelé "sous-jacent". L’indice utilisé pour cette structuration est aligné sur les objectifs de l’Accord de Paris : les entreprises qui y figurent s’engagent vers la neutralité carbone d’ici 2050. Ce produit est classifié « ESG » et s’inscrit dans une logique éducative. Nous ne cherchons pas uniquement à offrir un rendement mais à orienter les capitaux vers des causes durables tout en informant les investisseurs sur l’impact réel de leur choix.
Quel projet scientifique a bénéficié de ces reversements ?
Sylvie Tambutté : Il s’agit d’un projet de suivi des manchots de l’Antarctique. Nous collectons des données sur plusieurs espèces (Adélie, royaux, empereurs) à travers des capteurs, des balises Argos, des drones et des petits robots, afin de comprendre l’impact du changement climatique sur leur comportement, leurs trajets, leur alimentation, leur poids. Le financement de BNP Paribas Monaco va nous permettre de développer de nouveaux systèmes de marquage non-invasifs pour les suivre individuellement. L’objectif ? Collecter des données à long terme et les utiliser pour définir des zones marines protégées, alerter les décideurs, et modéliser les futurs scénarios climatiques.
Ces données servent-elles uniquement à des fins scientifiques ?
Sylvie Tambutté : Elles servent d’abord à la conservation concrète des espèces. Ensuite, elles sont intégrées dans des modèles prédictifs. Par exemple, certains suivis ont commencé dès 1998 : avec plus de 25 ans de données, on peut projeter des évolutions très précises. Cela permet aussi de tirer des signaux d’alerte sur les espèces sentinelles que sont les manchots, dont la survie dépend d’un équilibre extrêmement fragile. Notre travail n’a de sens que s’il est partagé, vulgarisé, compris et utilisé notamment pour contribuer à des actions de protection environnementale.
Comment s’articule ce type de collaboration ?
Delphine Frappier : Le CSM est un établissement public autonome, financé à 80 % par l’État monégasque. Mais pour renforcer certaines thématiques, les financements privés sont essentiels. Ce partenariat avec BNP Paribas Monaco n’est pas du mécénat classique : il nous permet de consolider des programmes existants, de renforcer leur visibilité et d’ancrer nos recherches dans une réalité économique partagée. On pense souvent que finance et science sont deux mondes séparés, mais ils sont complémentaires, surtout dans un contexte où l’écosystème doit être protégé à grande échelle.
Vous avez également construit un cycle de conférences sur le capital naturel ?
Fabio Vitale : Dès le début, nous avons voulu associer sensibilisation et action. La conférence sur le capital naturel, organisée avec le CSM et la Fondation Prince Albert II, a pour objectif de croiser différents regards : chercheurs, scientifiques, entrepreneurs, institutions internationales et acteurs financiers. Il s’agit d’expliquer, sensibiliser, et rendre tangibles les enjeux de durabilité, au-delà du discours. La première édition remonte à deux ans et demi, et elle a depuis permis de faire émerger des synergies au sein de différents réseaux permettant de promouvoir Monaco comme un hub d’idées et d’initiatives concrètes (IUCN, Banque mondiale, etc.).
Cédric Serret : Ce type de conférence est aussi un moyen de traduire les modèles scientifiques pour les rendre compréhensibles et applicables aux réalités économiques. On y a vu émerger des collaborations avec des start-up biotech, des ONG, ou encore des initiatives éducatives comme la Fondation Tara Océan. Cela a aussi permis à des clients de s’engager différemment : on ne parle plus uniquement de rendement, mais d’engagement à impact.
Ce projet s’inscrit-il dans une stratégie plus large pour BNP Paribas Monaco ?
Fabio Vitale : Oui, clairement. Ce partenariat illustre notre volonté d’agir localement sur des sujets globaux. Nous avons récemment été désignés "Meilleure banque durable de Monaco" lors des Euromoney Awards. Ce prix ne récompense pas simplement un produit structuré, mais une démarche globale : organiser des conférences, soutenir la recherche locale, accompagner les investisseurs vers des choix plus responsables. Nous sommes heureux de participer au rayonnement de la Principauté à l’international.
Sylvie Tambutté : Pour le CSM, il est important d’être en relation avec une institution qui s’inscrive dans une dynamique de durabilité, une notion désormais au cœur des grands débats internationaux, notamment en ce qui concerne les océans.
Cédric Serret : Ce partenariat est une démonstration que l’action collective peut produire des effets durables. Nous partons souvent de petites initiatives, mais elles créent de réelles dynamiques à plus grande échelle. La prise de conscience s’installe, les actions se structurent, et elles deviennent pérennes. C’est aussi cela, la finance durable : ne pas investir dans le court terme, mais dans l’avenir. De l’espoir dans l’action !