Philippe Guignard : « La relation intuitu personae ne peut pas être supprimée, elle devient même essentielle »

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Philippe Guignard est Directeur de la succursale du Crédit Agricole à Monaco depuis 2008. Il nous livre ses réflexions sur l’évolution de la Place, mais aussi de son agence.

En huit ans, comment avez-vous vu évoluer la Place monégasque ?

L’image de la Principauté a changé, de gros efforts de communication ont été opérés sur la Place financière. C’est une Place économique, avec un système économique viable et sain. Cette nouvelle image trouve l’un de ses aboutissements dans la transparence financière initiée par les banques.  Elle se poursuit avec les engagements de Monaco de s’inscrire dans les échanges internationaux d’informations financières. Le territoire monégasque se développe, le modèle change, des opportunités nouvelles se font jour.

Comment évolue le Crédit Agricole Monaco ?

Historiquement, en 1990, la Caisse Régionale s’est implantée à Monaco pour exercer le métier de Banque Privée. Désormais, nous prenons un virage : nous inscrire  en cohérence avec ce qu’est la vocation du Crédit Agricole vis-à-vis d’un territoire. C’est à dire accompagner la Principauté dans son développement économique sur les divers univers des particuliers, des entreprises ou des institutionnels.
La création récente, en octobre dernier, d’un centre d’affaires Entreprises a entraîné l’intensification de nos relations avec un certain nombre d’acteurs économiques  locaux. Nous  avons ajouté à notre offre, centrée initialement sur l’allocation d’actifs, le crédit immobilier, le crédit aux entreprises et l’ensemble de l’accompagnement que ce marché nécessite. Le modèle d’activité de la succursale, centré sur la gestion d’une clientèle privée et le conseil en investissement, a sensiblement évolué pour être plus complet.

Un métier que le Crédit Agricole connaît bien ?

C’est le premier groupe de financement d’entreprises en France. Avoir un agent économique financier à même d’apporter une capacité en termes d’endettement et un savoir-faire d’accompagnement sur son territoire peut être un plus pour la Principauté.
Les entreprises sont souvent multi-bancarisées à Monaco. Des acteurs bancaires  diversifiés permettent d’avoir une stabilité de l’offre, et la capacité de partager les risques, pour accompagner d’importants développements.
Devenir un acteur économique qui accompagne les forces entrepreneuriales  devrait nous permettre d’accéder à plus de visibilité vis-à-vis de l’entreprise mais aussi vis-à-vis des particuliers, par le financement de leur patrimoine privé.

Comment vous êtes-vous structuré pour prendre ce virage ?

Nous avons recruté du personnel nouveau, formé en interne sur le métier de chargé d’affaires Entreprises. Nous sommes dans une première phase.  Nous récupérons les relations que la Caisse Régionale avait déjà, depuis le siège de Saint-Laurent du Var, avec des entreprises monégasques, et nous établissons des axes de travail avec elles. D’autres entreprises sont venues nous rencontrer de façon spontanée, ou par contact indirect. Nous avons aussi organisé des rencontres avec des chefs d’entreprises avec lesquels nous avions des contacts à titre privé.
Nous avançons posément, nous souhaitons avant tout être dans la qualité, il ne peut en être autrement.

La notion de proximité vis-à-vis des entreprises est chère au Crédit Agricole…

Elle n’a de sens que si elle permet de bien comprendre les entreprises, de leur assurer un fonctionnement quotidien optimum, de les accompagner dans leurs projets de développement.
Ces derniers engendrent des problématiques soit financières soit de sécurité sur les transactions commerciales. Nous sommes les partenaires des chefs d’entreprise, leurs besoins nouveaux engendrent des solutions nouvelles, et nous pouvons avoir un rôle réellement pédagogique dans la maîtrise du développement des sociétés.

C’est un virage important pour votre équipe ?

Elle a très bien vécu ce développement sur le marché Entreprises, comme une intensification de l’utilité de notre banque sur le territoire. Développer des relations avec des résidents monégasques, c’est un vecteur d’opportunité sur la partie privée, pour élargir la palette de nos services, y compris sur le financement immobilier. Les évolutions de la place bancaire monégasque donnent du sens à des modèles de banques qui soient diversifiés.

On parle beaucoup de l’évolution du modèle économique des banques…

L’importance de la compliance pose bien sûr la question de la taille critique d’un établissement sur Monaco. Notre équipe dédiée est en place : 10 % de l’effectif… Les évolutions FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act), CRS (Common Reporting Standard), OCDE, les besoins en matière de lutte anti-blanchiment ont amené les banques à s’outiller, à s’automatiser. Un des enjeux essentiels des banques est désormais le système d’information, qui doit dérouler le système de conformité. Le processus opérationnel doit être producteur de conformité dans la mesure où il ne peut y avoir de développement non conforme, toute activité étant encadrée.

Tout ce qui peut être automatisé doit l’être ?

Il me semble. La modification qu’a connue la Place financière de Monaco va créer une évolution sur les attendus clients. Les générations se succèdent avec davantage d’utilisation des nouvelles technologies, et que dire des générations futures, hyper connectées ? La banque évolue beaucoup. Si le modèle en ligne ne tue pas le précédent, il est clair que les demandes concernant l’accessibilité à l’information, ou même à un certain type de conseil, ne sont plus les mêmes. Les enjeux de la Banque Privée internationale risquent d’évoluer. Le Système d’Information est au cœur du problème. Mais la relation intuitu personae ne peut pas être supprimée, elle devient même essentielle. La banque doit rester très en relation avec ses clients.