Le Monaco Economic Board (MEB) a récemment conduit une mission à Abu Dhabi, rassemblant institutions, entreprises et grandes banques monégasques. Objectif : tisser des liens durables avec les acteurs économiques du Golfe. Retour sur cette mission avec Justin Highman (Deputy CEO MEB), Francesco Grosoli (Administrateur Délégué CMB Monaco), Jad Bardawil (Managing Director CFM Indosuez Monaco) et Ernesto de Marzio (Head of Private Banking UBS).
Justin Highman : un accord de coopération économique avec la Chambre de Commerce France-Émirats Arabes Unis. Quels étaient les objectifs principaux fixés pour cette mission économique à Abu Dhabi ?
Comme pour toute mission économique, les objectifs de ces déplacements sont multiples : explorer les nombreuses opportunités offertes par le pays qui nous accueille, renforcer les relations bilatérales et initier des contacts prometteurs avec les acteurs économiques locaux. Nous mettons tout en œuvre pour que l’entrepreneur monégasque trouve des relais de confiance sur place, des prescripteurs et/ou des prospects pour développer son business.
Quelles ont été les réactions des participants à propos des opportunités rencontrées sur place ?
Les participants ont été ravis des contacts établis. Les échanges ont été denses et tous les participants ont pu réaliser des rendez-vous pertinents. La mission s’est achevée sur des perspectives concrètes de collaboration et un réseau élargi pour nos entreprises. Ce déplacement nous a également permis de considérer de nouvelles perspectives qui pourraient être très intéressantes dans le cadre de l’amélioration de l’attractivité en Principauté.
Pouvez-vous partager quelques exemples de retombées concrètes ?
Le MEB a signé lors de ce déplacement un accord de coopération économique avec la Chambre de Commerce France-Émirats Arabes Unis. Des discussions de partenariats sont envisagées entre MonacoTech et le pôle d’innovation Hub71. Les échanges entre entreprises monégasques et Émiriens vont se poursuivre les prochaines semaines pour justement concrétiser les projets initiés lors du déplacement.
Quelles ont été les plus grandes difficultés ou défis logistiques ?
L’élaboration de ce déplacement s’est effectuée durant une période peu propice, coïncidant avec la fin du Ramadan et les célébrations de l’Aïd qui ont entraîné une semaine de congés dans le pays. Cela a considérablement ralenti l’organisation de notre programme. Cependant, une fois cette période passée, les choses se sont rapidement accélérées et nous avons pu finaliser efficacement la préparation de la mission lors de la dernière quinzaine de jours précédant la mission.
Prévoyez-vous d'autres missions similaires dans la région ?
Le MEB voue un intérêt particulier pour la région du Golfe Persique où nos entreprises pourraient y développer leur business. Nous avons déjà réalisé de belles missions économiques à Dubaï mais aussi Riyad l’année dernière. Nous avons l’intention de continuer sur cette belle lancée avec notamment Bahreïn, Oman et le Qatar et envisageons également de retourner en Arabie Saoudite car le pays a énormément de potentiel.
Francesco Grosoli : “Il faut créer une passerelle stratégique entre Monaco et les Emirats ”
Pour Francesco Grosoli, cette mission dépasse le simple cadre économique : elle s’inscrit dans une vision géostratégique à long terme.
“Je plaide pour un rapprochement stratégique entre la Principauté et le Moyen-Orient, en particulier les Émirats. C’est un projet de long terme, à la croisée des intérêts financiers et institutionnels. Il y a aujourd’hui une création de richesse indéniable dans cette zone, due aux activités historiques liées au gaz, mais aussi à une transformation économique majeure. C’est un ‘Monaco à la puissance 100‘, dont il faut se rapprocher.”
Il souligne les similitudes structurelles entre Monaco et Abu Dhabi : sécurité, qualité de vie, absence d’imposition sur les revenus ou les plus-values, stabilité politique. Une combinaison d’atouts qui rend la région attractive pour des résidents fortunés du monde entier.
“Chaque jour, Dubaï accueille près de 1000 nouveaux résidents fortunés. Le marché immobilier de Dubaï enregistre d’ailleurs à lui seul entre 3 et 6 milliards de dollars de transactions par semaine !”
Cette dynamique ouvre un espace stratégique pour Monaco, au-delà des allers-retours touristiques :
“Beaucoup de résidents du Golfe possèdent déjà une propriété dans le sud de la France, et viennent à Monaco pour le loisir. Il faut maintenant renforcer les liens avec certains pays du Golfe – dont les Émirats – et construire une relation de long terme.“
La mission du MEB à Abu Dhabi marque un bon point de départ :
“Notre représentante nous a fait état de 48 heures de très bon niveau, très bien orchestrées, sans temps mort. Des intervenants de qualité, des contacts utiles, avec investisseurs comme professionnels.”
Mais il nuance :
“Le travail reste considérable. Monaco est encore peu présente dans les stratégies patrimoniales des familles du Moyen-Orient, historiquement tournées vers la Suisse et le Royaume-Uni. Il y a un travail d’information à faire. C’est une mission longue, mais nécessaire.”
Francesco Grosoli conclut en insistant sur la puissance de l’image monégasque :
“Monaco est une marque incroyablement forte, disproportionnée par rapport à la taille du pays. Elle rayonne comme un grand État. Mais cette notoriété ne suffit pas : il faut la faire vivre avec des actions concrètes, un suivi ciblé, et un vrai travail de fond. La clientèle visée est ultra-exigeante et ne représente que quelques milliers de familles dans le monde. C’est à elles que nous devons nous adresser. “
Jad Bardawil & Ernesto de Marzio : regards croisés.
Qu’est-ce qui vous a motivés à participer à cette mission ?
Jad Bardawil (CFM Indosuez) : Indosuez est déjà présent depuis 1974 à Dubaï. Abu Dhabi représente la face institutionnelle du Golfe, avec une augmentation importante du nombre de Family Office internationaux. Cette mission s’inscrivait parfaitement dans notre stratégie de renforcement du lien entre Genève, Monaco et le Moyen-Orient.
Ernesto de Marzio (UBS) : Nous participons souvent à ce type de mission via le MEB. Abu Dhabi attire notre attention en raison de son potentiel de développement dans le secteur bancaire, notamment en gestion de fortune. Il offre des opportunités uniques qui complètent le paysage financier existant dans la région.”
Quels types de contacts avez-vous pu établir ?
Jad Bardawil : Le programme a offert un équilibre intéressant entre visites officielles et moments laissés libres pour nos propres rendez-vous. Cela nous a permis de rencontrer des clients et des partenaires, dans un cadre structuré tout en bénéficiant de la dynamique collective de la mission.
Ernesto de Marzio : Nous avons rencontré de nombreux professionnels. Abu Dhabi est un pays de contact, on y va pour créer du lien. Même si UBS a déjà une forte implantation dans la région, ce type de mission permet de renforcer la visibilité de la marque Monaco.
Comment évaluez-vous les opportunités d’affaires sur place ?
Jad Bardawil : Abu Dhabi attire de nombreux family offices, notamment suite à l’instabilité géopolitique en Asie du sud et aux nouvelles règles fiscales britanniques. C’est une destination naturelle pour la clientèle internationale qui est rassurée par l’application du droit commun anglais notamment à Abu Dhabi Global Market (ADGM).
Ernesto de Marzio : Oui, les opportunités sont réelles, surtout dans la gestion de patrimoine. Le marché continue d’attirer de grands noms. Et nous savons que nombre de ces familles recherchent des solutions alternatives en Europe. Monaco peut s’inscrire dans cette logique.
Quels secteurs ou projets vous ont particulièrement intéressés ?
Jad Bardawil : L’immobilier est un axe clé, dans les deux sens : des Émiriens veulent investir à Monaco et dans le sud de la France, et des investisseurs européens qui cherchent à profiter du fort dynamisme local. Il y a aussi un intérêt croissant pour les start-ups et bien sûr, les technologies émergentes.
Ernesto de Marzio : L’intérêt pour la culture est sensible. Le pôle muséal d’Abu Dhabi est remarquable : Louvre, Guggenheim, musée national. Tous construits par des architectes de renom, dont Jean Nouvel, qui a aussi signé La Villa Belgica, nouveau siège d’UBS Monaco. L’art et les investissements durables sont des secteurs que nous suivons de près.
Et l’environnement réglementaire ?
Jad Bardawil : Dubaï et Abu Dhabi, ont compris que la simplicité administrative et la digitalisation sont des critères décisifs. Ce sont des exemples à suivre. Ce n’est pas qu’une question de conformité, c’est un enjeu de compétitivité. Ils ont même mis en place des équipes dédiées à l’accompagnement de cette clientèle.
Ernesto de Marzio : L’ambition d’Abu Dhabi de devenir un hub financier international est évidente. Ils ont les moyens de leurs ambitions, avec 8 % des réserves mondiales de pétrole. Ils investissent dans les secteurs d’avenir, en misant sur une ouverture internationale.”
Un dernier mot ?
Jad Bardawil : La clientèle Moyen-orientale est aujourd’hui sous-représentée à Monaco. Elle constitue un relais de croissance naturel. Nous nous positionnons aujourd’hui en tant que facilitateur pour renforcer ce lien.
Ernesto de Marzio : Abu Dhabi est une ville en pleine mutation. Cosmopolite, ambitieuse. Monaco a toute sa place dans cette dynamique si elle se rend visible et présente.