« Pour les marchés, c’est le retour à la case départ »

2024 01 24 Christian Dembik

Christopher DEMBICK, Conseiller en stratégie d'investissement chez Pictet Asset Management - Début janvier, Christopher DEMBICK a présenté à Monaco sa vision macroéconomique des marchés, ainsi que sa projection d’investissement en 2024.Diplômé de Sciences Po Paris et de l’Institut Économique de l’Académie des Sciences de Varsovie, Christopher DEMBIK fut économiste puis responsable de la recherche macro-économique chez Saxo Banque, après avoir travaillé à la Direction Générale du Trésor français comme analyste dans le secteur des énergies vertes puis comme analyste macro et changes chez Wingate Ventures.

Un premier constat s’impose fin 2023 : il y a eu véritablement un grand écart entre ce que le consensus prévoyait, et ce qui s’est réellement produit.
85% des économistes interrogés par le Financial Times fin 2022 s’attendaient à ce que les États-Unis sombrent en récession en 2023. En réalité, la croissance au troisième trimestre a atteint 4,9% en rythme annualisé. C’est en grande partie le résultat d’importantes dépenses publiques (déficit à 7% du PIB).
La forte relance de la Chine était attendue mais n’a pas eu lieu. La politique zéro Covid est terminée. Mais l’économie chinoise est à la traîne. La reprise sera lente, en particulier parce que le gouvernement n’a pas prévu d’augmentation des dépenses pour soutenir l’activité.
L’inflation a été forte, mais le processus de désinflation très rapide. En zone euro, 80% des composants pris en compte dans le calcul de l’inflation sont en repli en novembre - du jamais vu.
Les marchés avaient anticipé une hausse de 141 points de base du taux directeur de la BCE. Finalement, ce fut plus brutal que prévu. La hausse des taux fut de 250 points de base !
Les investisseurs pariaient sur une normalisation de la politique monétaire au Japon. Lors de sa réunion des 18 et 19 décembre 2023, la Banque du Japon a maintenu sa politique de taux négatifs.
On nous prédisait une explosion des cours du blé et du maïs, mais ils sont sous leurs niveaux des années 2015-2018. Le blé affiche une chute de 21% depuis le début de l’année, par exemple.

Aujourd’hui les taux longs ont baissé. Mais l’incertitude demeure sur leur évolution à court terme. Les actions retrouvent des couleurs, mais ce sont surtout les sept Magnifiques qui concentrent les flux.
Reprise en Chine, poursuite de la baisse de l’inflation, couac sur la croissance américaine ? Un nouveau départ est possible, reste à comprendre qui donnera le coup d’envoi.

Plus précisément, concernant les prévisions 2024 :

Les sept Magnifiques : Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon, Tesla, Meta et Nvidia sont incontournables dans un portefeuille construit pour obtenir du rendement. Les valeurs techs auraient pu, selon certains, être mises en danger par la hausse des taux directeurs. En réalité, 2023 a été une excellente année pour ce type de valeur, et cela devrait continuer. En ce qui concerne l’Intelligence Artificielle (I.A), il n’y a pas de prime au premier entrant sur les marchés, mais plutôt une prime au montant de cash investi. Sur des thématiques comme la capacité à collecter et à gérer les données, indéniablement, les sept Magnifiques sont très bien positionnés. Par ailleurs, les années de crise rythment la recherche de sécurité au niveau des technologies on peut s'attendre à une forte inflation dans la sécurité dans l’I.A les data centers...

Les Biotechs pourraient être une bonne surprise en 2024. Ce sont souvent des smallcaps, mais durant les trois dernières années, le marché a éclusé les sociétés qui n’était pas rentables, et ce secteur devrait repartir. Essentiellement les Biotechs multiproduits, qui évitent l’hyper spécialisation. Pour celles-ci, de beaux brevets devraient suivre.

Les actions japonaises continueront sur leur lancée, ainsi que celles des pays émergents. Les actions japonaises ont connu leur meilleure année depuis une décennie, avec une hausse du Nikkei de 27%. Ça va continuer.

Les allocations de qualité devraient surperformer dans une période marquée par une croissance économique faible.

Les marques de prestige, dans le domaine de l’hyper-luxe, restent des relais de croissance et connaissent une forte résilience même sans compter sur le marché chinois.

Enfin, les investisseurs devraient enregistrer des gains supérieurs à la moyenne sur les marchés obligataires. Avec une préférence pour les maturités courtes dans le high yield, et les obligations des pays émergents en devises locales.